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Les radars mobiles sur des véhicules de sociétés privés.

Les véhicules équipés de radars mobiles de nouvelle génération qui se noient dans le flot de circulation, seront bientôt conduits par des sociétés privées. Ce transfert permettra aux forces de l'ordre de se concentrer sur d'autres tâches plus importantes.

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Depuis février 2017, un projet de loi pour privatiser les radars mobiles était en discussion au Parlement. Testé avec succès en Normandie entre février et août 2017, il a été approuvé cette semaine par le Ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et entrera en vigueur en septembre. Cette privatisation s'accompagnera d'une augmentation du nombre de contrôles effectués, avec pour objectif affiché de limiter les accidents liés aux excès de vitesse.

Le projet de loi en bref

les radars embarqués conduit par des sociétés privés.

Actuellement, les radars mobiles sont embarqués dans des véhicules balisés avec deux fonctionnaires en uniforme au volant. Chacune de ces voitures ne roule en moyenne qu'une heure par jour. C'est jugé trop peu par le gouvernement pour vraiment dissuader les automobilistes. C'est pourquoi la nouvelle loi prévoit une augmentation du nombre de véhicules à radar embarqué en circulation (de 383 à 450 véhicules) ainsi qu'une augmentation du nombre d'heures de mise en service (jusqu’à 8h par jour), ce qui multipliera également les pvs et les recettes. C'est la sous-traitance à des sociétés privées qui rend possible ce renforcement des contrôles. Plus réguliers et plus discrets, ils sont, dans l'esprit du gouvernement, censés dissuader les chauffeurs de commettre une infraction. Il faut savoir qu'en France les excès de vitesse restent la première cause de mortalité sur les routes (25 %) devant l'alcool (20 %).

La privatisation des radars mobiles est également un moyen d'alléger le travail des gendarmes et des policiers, dont les missions d'ordre public sont nombreuses. Avec la privatisation, chaque véhicule sera conduit par un salarié en civil, dont la seule fonction sera de relever les excès de vitesse. Les infractions seront ensuite transmises à la Préfecture de police, qui reste la seule autorité habilitée à verbaliser. Les sanctions ne changent pas non plus. Au minimum, un excès de vitesse inférieur à 20 km/h entraîne le retrait d’un point et une amende entre 90 € et 375 €. Au maximum, un excès de vitesse supérieur ou égal à 50 km/h peut coûter 1 500 € et 6 points. Dans les cas les plus graves, une suspension temporaire du permis peut être prononcée par le juge.

Faut-il s'inquiéter d'une privatisation des contrôles ?

Depuis son annonce en février ce projet de loi a essuyé de très nombreuses critiques, notamment de la part des associations de défense des droits des automobilistes. Ils dénoncent une privatisation qui poursuit un objectif de rentabilité plutôt que l'amélioration de la sécurité routière. En effet, la très grande majorité des automobilistes verbalisés chaque année le sont pour des excès de vitesse inférieurs à 20 km/h. Or, ce ne sont pas ceux qui causent le plus de blessés graves et de décès. La multiplication des radars mobiles ne permettrait donc pas, selon ces associations, d'améliorer la sécurité routière. Elles estiment que des actions de prévention sont également nécessaires.

Par ailleurs, les associations d'automobilistes craignent que seul le chiffre calculé par le radar soit pris en compte, sans se soucier de la réalité de la situation affrontée par l'automobiliste. Cependant, des mesures ont été prises par le gouvernement dans ce sens : une photo du véhicule en excès de vitesse et de son environnement sera prise pour chaque infraction relevée et observée avant validation de l'infraction. Rappelons toutefois à ce sujet, contrairement à une idée reçue encore courante, que doubler un autre véhicule par la gauche, y compris sur l'autoroute, ne justifie jamais de dépasser la vitesse maximale autorisée. C'est pourtant une cause fréquente d'accident et de flash pour excès de vitesse.

Ensuite, l'écart entre la vitesse mesurée et la vitesse retenue est plus grande qu'avec les radars fixes en raison de la marge d'erreur plus importante pour ce type de radar (10 km/h pour une vitesse inférieure à 100 km/h et 10 % pour une vitesse supérieure à 100 km/h). Enfin, en réponse à ceux qui craignent un excès de zèle de la part des entreprises chargées de relever les infractions, Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière, fait remarquer qu’aucun objectif de résultat ne leur sera imposé. Leur rémunération ne dépendra donc pas du nombre d'automobilistes verbalisés. Au contraire, la nouvelle loi prévoit des pénalités à l'encontre des entreprises qui relèveraient un nombre étonnamment élevé d’infractions.

Limite Mesurée Retenue Marge
50 km/h 61 km/h 51 km/h 10 km/h
70 km/h 81 km/h 71 km/h 10 km/h
80 km/h 91 km/h 81 km/h 10 km/h
90 km/h 102 km/h 91 km/h 10 %
110 km/h 124 km/h 111 km/h 10 %
130 km/h 146 km/h 131 km/h 10 %

La raison d’être des vitesses maximales autorisées : protéger les usagers de la route

Les associations de défense des droits des automobilistes s’alarment d’une augmentation drastique des contraventions à venir. Une inquiétude qui doit être relativisée. D’abord parce que la loi, et donc les limites de vitesse, resteront inchangées. Ensuite, parce que plus de radars ne signifie pas mécaniquement plus de contraventions. Sauf à considérer que la plupart des automobilistes commettent régulièrement des infractions ... Ce qui n'est ni souhaitable ni certain. En effet, les limites maximales autorisées ont une raison d'être : la sécurité des usagers de la route. Les réseaux routiers - angle des virages, adhérence de la route, rambardes de sécurité, ... - sont conçus pour être empruntés en respectant les limites de vitesse légales. Ces dernières prennent également en compte le fait que le temps de réaction d'un individu face à un danger est incompressible : il faut au minimum une seconde au cerveau pour analyser une situation, prendre une décision et agir. Or, plus la vitesse est élevée, plus la distance parcourue durant ce laps de temps est importante, et plus la collision est difficile à éviter.

La privatisation des radars embarqués : une polémique à l’intérêt limité

La privatisation des radars embarqués ne change finalement pas grand-chose. Les limites de vitesse et les sanctions restent les mêmes. Les conducteurs vigilants n’ont donc pas de souci à se faire. Au contraire, il faut garder à l’esprit que lutter contre les excès de vitesse de quelques uns c’est améliorer la sécurité de tous.

Par Yannick Legris, publié le 29-09-2017 : dernière mise à jour le 25-03-2021.